Ali

Ali

Je sors de ce complexe cinématographique bien trop industriel pour moi. A l'image de ce quartier de la Défense, temple de la solitude.

Dans cette nuit si froide, je me faufile absorbe par les bribes d'un film trop sanglant a mon gout.

L'absurde que l'on masque au nom de l'Amour. 2h de vengeance pour aboutir au vide, a la désolation de la vie des hommes.

Transi par les -4 degrés qu'affiche le thermomètre, j'arrive enfin a la bouche de métro lorsque je l’aperçois soudain, a hauteur d’épaule.

Cette fois je n'ai plus d'excuse derrière laquelle m'abriter : pas le temps, il est loin, pourquoi faire, un de plus...

Avant que je ne réalise comment agir, ma voix l'a déjà appelé.

Il se retourne un peu hésitant, se demandant a qui s'adresse l'interpellation.

Il a passe tout le temps de mon film assis dans le froid, a la merci des passants. Il me répond que pour "nous les pauvres" il fait trop froid a cette heure tardive. Il ne peut plus résister, alors il part.

Sans ironie je lui dis que je ne me sens pas différent de lui et que je suis heureux de le croiser a nouveau. Oui, je le vois depuis longtemps, comme tout a l'heure avant de me rendre a ma séance, n'osant jamais faire ce premier pas.

Ces yeux, pétillant d'intelligence, me regardent droit devant.

Il me sourit et sait que je dis vrai. Je sors le premier billet qui me tombe sous la main qu'il enfouit prestement dans sa poche.

- Ce soir j'ai une chance incroyable de t'avoir croise, alors que je t'avais déjà oublié.

- C'est plutôt moi qui ait de la chance, son sourire illumine a nouveau son visage.

- Non lui assurai-je, la chance est bien de mon coté.

Des larmes me montent aux yeux, nous continuons a nous fixer, un profond et réconfortant silence s'installe.

Avant de partir je lui demande son nom. Ses yeux brillent a nouveau, d'une beauté que seule l'Amour peut produire lorsque de vrais rapports s'installent, ne fussent qu'un instant.

Ali, Ali des Comores me lance-t-il sans se retourner.